Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Je m’appelle Sophie, j’ai 53 ans. J’ai grandi et je vis dans le canton de Vaud. J’ai travaillé pendant près de 15 ans dans le domaine de la gérance immobilière, à Lausanne. J’ai une passion pour les chevaux et j’ai la chance de monter régulièrement. J’accompagne également un adulte touché par un handicap durant les weekends.
Pour vous, la santé mentale, c’est quoi?
C’est le fait d’avoir un équilibre de vie qui soit confortable. C’est pouvoir gérer ses émotions, avoir une vie sociale, faire des activités, être dans l’action. C’est aussi pouvoir se lever le matin sans angoisse, sans peur, sans se sentir bloquée. Cela, pour moi, c’est être en bonne santé mentale.
Au fond, la santé mentale nous concerne toutes et tous?
Bien sûr, la santé mentale concerne tout le monde et à tous les âges: petits, jeunes, grands, personnes âgées. Tout un chacun peut avoir, par exemple, à un moment donné, un épisode dépressif, des troubles anxieux, faire un burnout. C’est quelque chose qui est de plus en plus ancré dans le monde du travail, dans le monde familial et qui touche toutes les couches de la société. Et quelqu’un qui n’est pas en bonne santé mentale va répercuter ça dans tout son environnement.
Quelles sont les problématiques psychiques que vous avez rencontrées?
J’ai eu un parcours de vie durant lequel j’ai vécu des épisodes difficiles, notamment durant l’enfance, puis à l’âge adulte, qui se sont traduits par des traumatismes successifs. Malgré de belles périodes que j’ai aussi vécues, ces traumatismes se sont accumulés, comme des couches et des couches jusqu’à ce que tout à coup, ça explose. J’ai été de nombreuses années déconnectée de mes émotions. Tout était comme éteint, coupé. Je fonctionnais, je marchais, je travaillais mais je n’étais pas là… Jusqu’au jour où, brusquement, j’ai eu un grave épisode de décompensation qui m’a conduit à faire plusieurs séjours à l’hôpital. Il s’est avéré que les médecins ont posé plusieurs diagnostics: trouble bipolaire, trouble de la personnalité borderline et surtout, un syndrome de stress post traumatique important.
Pouvez-vous nous raconter comment vous avez été amenée à être accompagnée par le centre médico-social (CMS)?
Au cours d’une de mes hospitalisations, une collaboratrice du CMS est venue organiser ma sortie. À partir de là, une infirmière en santé mentale a commencé à m’accompagner et nous nous sommes vues à mon domicile toutes les semaines. C’est comme ça que j’ai eu connaissance des prestations en santé mentale des CMS. En parallèle, il a fallu que je trouve un psychiatre qui m’accompagne.
Quand avez-vous ressenti le besoin d’être soutenue et accompagnée?
Très vite. J’étais déjà en demande d’aide avant de «craquer». Je n’ai jamais été dans le déni que j’avais besoin d’aide… Mais il fallait trouver les bonnes aides, celles qui me correspondaient, et puis trouver les bonnes personnes. Et le CMS a eu ce rôle-là précisément, de soutien, adéquat, bienveillant et non jugeant.
Comment s’est déroulé le soutien qui vous a été proposé?
C’est une infirmière en santé mentale qui venait chez moi. C’était un espace de parole et d’écoute. Ce qui veut dire que je pouvais tout dire. La plupart du temps, je racontais ce que j’avais fait pendant la semaine. Ça me permettait d’avoir une structure avec quelqu’un qui venait une, voire deux fois par semaine suivant les périodes. Elles savent semer des graines, des points de réflexion. Je savais aussi que je pouvais appeler si ça n’allait pas et ça, c’était rassurant. Elles m’ont aussi aidé à retrouver l’énergie pour refaire des activités. C’est par exemple grâce à elles que j’ai pu me reconnecter à la nature, ressortir, reprendre l’air. Elles profitaient aussi de vérifier l’état de mon appartement. C’était nécessaire à ce moment-là. Elles m’ont transmis leur boite à outil dans laquelle je vais puiser quand j’en ai besoin. Le suivi s’est déroulé sur environ six ans.
C’était important que le CMS vienne chez vous à domicile?
Oui ça l’était! Parce que quand on n’est pas bien, c’est compliqué d’aller quelque part, de sortir. Ça demande beaucoup d’énergie. Je n’aurais certainement pas fait le quart du tiers de tout ce que j’ai fait si j’avais dû sortir de chez moi pour aller demander de l’aide. Donc c’était providentiel. Ce sont de sacrées nanas ces femmes! J’ai beaucoup d’affection pour elles. Il y en a avec qui j’ai créé de beaux liens. Ce sont des relations d’humain à humain et c’est quelque chose qui était absolument nécessaire pour moi.
Est-ce que l’accompagnement du CMS vous a soulagée dans votre quotidien?
Complètement! Ce qu’il faut d’ailleurs préciser, c’est qu’il y a eu aussi tout un accompagnement social, administratif du CMS qui a été très important. À un moment, j’ai fait de l’équithérapie et c’est l’assistante sociale du CMS qui a fait les démarches auprès des services sociaux pour que je puisse recevoir l’aide financière nécessaire pour réaliser cette activité. Ça m’a beaucoup soulagé d’être aidée sur l’aspect administratif que j’avais laissé un peu de côté ces dernière années. C’est donc un accompagnement précieux que peut faire le CMS et qui est important pour la santé mentale.
Avez-vous une activité spéciale que vous faites pour vous ressourcer?
L’équitation, qui est ma vie. Depuis petite déjà, à 4 ans, je demandais à aller à cheval. Mes parents ont fini par céder. J’ai eu ensuite la chance de prendre des cours pendant de nombreuses années, jusqu’à mes 12 ans. Après ça, je ne suis pas remontée pendant un certain temps. Et puis l’équithérapie m’a été conseillée par l’infirmière en santé mentale du CMS. J’ai fini par remonter à cheval à deux pas d’où j’habite, avec mon propre cheval, ce qui aurait été impensable il y a quelques années. C’est une activité physique qui me fait du bien. Le cheval est mon équilibre physique et émotionnel. C’est aussi une activité qui m’a permis de recréer des relations sociales autour de moi. Je me suis fait de supers copines. À côté de ça, je fais aussi de la marche en forêt avec mes deux chiens.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui se trouverait dans une situation similaire à la vôtre?
Je lui conseillerais de se faire aider, d’accepter l’aide. Je lui dirais de prendre les mains qui se tendent, parce qu’en fait, il n’y a pas de miracles. On a besoin des autres. Il est nécessaire qu’un diagnostic soit posé pour se faire ensuite aider correctement. De mettre des mots sur les maux. Et le CMS pour ça a été très important, il a été un allié, une des nombreuses mains qui s’est tendue et que j’ai prise. Je pense qu’on peut se sortir de situations graves et réussir à s’en relever.
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Cette journée s’inscrit dans le mois de la santé mentale mis à l’honneur dans le canton de Vaud du 10 septembre au 10 octobre. En Suisse, on estime aujourd’hui que près de 15% de la population est affectée par des problèmes psychiques considérés comme moyens à graves. Partie intégrante de la santé et du bien-être en général, au même titre que la santé physique, la santé mentale nous concerne toutes et tous.
Sophie